Xoldokogaina : un sommet emblématique entre histoire, toponymie et paysages basques
Situé à cheval entre Urrugne et Biriatou, dominant le col d’Ibardin et les premières montagnes labordines, le Xoldokogaina (486 m) est l’un de ces sommets discrets mais essentiels du paysage basque. À la fois lieu de passage, zone pastorale, point d’observation naturel et espace chargé d’histoire, il illustre parfaitement la richesse toponymique et culturelle du Pays basque.
Le Xoldokogaina depuis Biratou et Urrugne
Toponymie : que signifie Xoldokogaina ?
Le nom apparaît sous différentes formes selon les époques :
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Choldocogagna (Paul Raymond, Dictionnaire topographique, 1863)
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Xoldokocana, Xoldoko Cana
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Forme basque moderne : Xoldoko Gaina
✔ Analyse morphologique
Le nom se décompose clairement ainsi :
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Xoldo : premier élément obscur, probablement très ancien
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-ko : suffixe génitif (« de »)
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gain / gaina : « hauteur, crête, sommet »
👉 Xoldokogaina signifie donc littéralement : “le sommet de Xoldo”.
✔ L’énigme de XOLDO
C’est ici que les choses se compliquent : aucun mot basque moderne ne correspond directement à xoldo. Trois hypothèses sont généralement évoquées :
1. Hypothèse pastorale : saldo → « troupeau »
Certains auteurs ont proposé de rapprocher xoldo de saldo (« troupeau »), donnant :
« la hauteur des troupeaux ».
Cette idée s’accorde avec les usages pastoraux anciens… mais la transformation phonétique saldo → xoldo / choldon’est pas satisfaisante. Les spécialistes la considèrent plausible mais non démontrée.
2. Un ancien nom de personne
De nombreux sommets basques dérivent d’anthroponymes aujourd’hui disparus.
Xoldo pourrait être le nom d’un propriétaire, d’un pasteur ou d’un clan ancien, conservé uniquement dans la toponymie.
3. Un radical prébasque désignant un type de relief
Plusieurs toponymes navarro-labortans présentent des racines semblables : Zoldo, Zaldu, Zaldua, Xoldibar, etc., parfois associées à des terrains humides ou broussailleux.
Cette famille pourrait remonter à un substrat préroman, antérieur au basque actuel.
👉 En l’état des connaissances, l’explication la plus prudente est de considérer Xoldo comme un ancien radical toponymique fossilisé, transmis par la tradition orale.
De gauche à droite : le Xoldokogaina, le Mandalé et la redoute de la Baïonnette et La Rhune
Un espace de passage depuis la Préhistoire
Le massif autour de Xoldokogaina appartient au grand paysage mégalithique basque : tumulus, cromlechs et murets pastoraux structurent les crêtes voisines.
Même si aucun mégalithe majeur n’est attesté sur le sommet lui-même, les hauteurs environnantes montrent clairement l’ancienneté de l’occupation humaine.
Les chemins anciens reliant la côte à la Navarre passaient souvent par des lignes de crête similaires : bien avant les routes carrossables, ces reliefs servaient de couloirs naturels de circulation.
Les dolmens de Galbario (Urrugne) et d'Osin (Biriatou)
Tumulus cromlech du col de Pittare ou des Poiriers (Biriatou)
Pastoralisme et vie montagnarde
Comme l’indique possiblement son nom, la montagne a longtemps été un territoire de pacage pour :
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les pottoks en liberté,
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les ovins manex,
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Les Betizu.
Les communes d’Urrugne et de Biriatou y possédaient des droits d’usage anciens. Les vestiges de bordes, murets et chemins muletiers témoignent encore de cette économie pastorale.
Pottok au sommet du Xoldokogaina
Contrebande, frontières et surveillance
Du XVIIIᵉ au XXᵉ siècle, la zone d’Ibardin et de Xoldoko Gaina fut un haut lieu de la contrebande.
Le relief offrait quantité de sentiers permettant de contourner les postes douaniers :
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passage de tabac, alcool, tissus, sucre,
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circulation de petits troupeaux,
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transit de marchandises entre Vera, Biriatou et Urrugne.
Les douaniers français et carabiniers espagnols utilisaient les sommets comme points d’observation. La topographie du Xoldokogaina, ouverte vers les crêtes et sur la mer, s’y prêtait particulièrement.
Conflits et résistances
Durant les guerres napoléoniennes, les troupes de Wellington franchissent la région lors de la campagne de 1813 (Bataille de la Nivelle).
Au XIXᵉ siècle, les crêtes frontalières servent aux mouvements de réfugiés et de bandes armées pendant les guerres carlistes.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les montagnes d’Urrugne, Biriatou et la Rhune furent utilisées par :
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des réseaux d’évasion (passeurs de réfractaires, aviateurs alliés),
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des groupes de contrebandiers collaborant ponctuellement avec la Résistance,
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des familles locales aidant clandestinement les fugitifs à franchir la frontière.
Xoldokogaina se trouve sur l’un de ces anciens axes de passage discrets.
Les stèles du Réseau Comète à Biriatou
Le lac Xoldokogaina : une création du XXᵉ siècle
Contrairement à une idée répandue, le lac voisin n’est pas un lac naturel.
Il s’agit d’une retenue artificielle aménagée dans les années 1930–40 pour répondre aux besoins en eau potable et à la lutte contre les incendies.
Le site, très fréquenté aujourd’hui, conserve néanmoins le caractère d’une zone humide montagnarde appréciée pour sa tranquillité.
Le Lac du Xoldokogaina ou d'Ibardin à Urrugne
Bibliographie succincte
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Paul Raymond, Dictionnaire topographique du département des Basses-Pyrénées, Paris, 1863.
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Jean-Baptiste Orpustan, Toponymie basque, Presses Universitaires de Bordeaux, 2000.
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Luis Michelena, Fonética Histórica Vasca, Gobierno Vasco, 1985.
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Jean-Baptiste Lhande, Dictionnaire basque-français, 1926.
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Philippe Veyrin, Le Pays basque, Arthaud, 1943.
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Cartes IGN anciennes (État-major, cadastre napoléonien) – consultation Géoportail.
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