Houx et Gui en Pays Basque : Mythologie, Rituels et Usages Porte-Bonheur
Dans les campagnes du Pays basque, le houx et le gui sont bien plus que de simples plantes hivernales. Depuis des siècles, ils occupent une place à part dans l’imaginaire populaire, associés à la protection, à la guérison et au renouveauqui accompagne le solstice d’hiver. Ces deux végétaux sacrés, toujours verts au cœur de la saison froide, ont traversé les croyances païennes, les pratiques rurales et les traditions chrétiennes sans jamais perdre leur aura magique.
Houx et Gui en Pays Basque : Mythologie, Rituels et Usages Porte-Bonheur
Des plantes « frontières » dans la mythologie basque
Dans la mythologie basque, le monde est habité par une multitude d’êtres invisibles : laminak, sorginak, âmes errantes, esprits des montagnes et forces nocturnes. Les maisons et les étables étaient perçues comme des frontières fragiles entre le monde humain et celui des esprits. Pour protéger ce seuil, certaines plantes servaient de rempart : le houx et le gui en faisaient partie.
🌿 Le houx (gorosti)
Le houx, symbole de vigueur grâce à son feuillage brillant et persistant, était considéré comme un végétal de protection absolue. Ses feuilles épineuses repoussaient symboliquement les influences maléfiques. On l’accrochait :
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au-dessus des portes et fenêtres pour empêcher l’entrée des mauvais esprits,
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dans l’étable pour protéger le bétail des sorts ou des maladies,
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près du foyer en période de tempête ou de solstice.
On racontait autrefois que les sorginak évitaient les maisons où brillait une branche de houx, comme si sa lumière végétale formait une barrière invisible.
✨ Le gui (ihintza)
Le gui, plante mystérieuse qui pousse suspendue aux branches sans jamais toucher la terre, était perçu comme un arbre du ciel, porteur de chance et de bénédictions. Comme chez les Celtes, mais avec des variantes locales, il symbolisait le lien entre le monde visible et l’invisible.
Il accompagnait les moments de passage : naissances, mariages, début d’une nouvelle année. Sa présence dans une maison signifiait :
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prospérité,
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santé,
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paix familiale,
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protection contre la foudre et les maladies.
Le solstice d’hiver : un moment clé
Le solstice d’hiver (solstizioa) était considéré comme un moment dangereux : la nuit est longue, les esprits circulent, et les forces obscures sont plus actives. Pour maintenir l’équilibre du foyer, on utilisait des plantes protectrices.
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Le houx, avec sa couleur vive et ses pointes acérées, « perce » symboliquement l’obscurité.
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Le gui, toujours vert et sans racine terrestre, reconnecte la maison avec la lumière céleste.
Même après la christianisation du Pays basque, ces traditions ont perduré, souvent intégrées aux rituels de Noël et du Nouvel An.
Usages anciens pour soigner et protéger
Les deux plantes possédaient également une fonction de médecine populaire, transmise de génération en génération.
Vertus du houx
Dans les pratiques anciennes :
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les feuilles servaient en infusion légère pour réduire la fièvre,
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les branches étaient utilisées comme talismans protecteurs,
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une brindille conservée toute l’année éloignait les malheurs.
Les baies, toxiques, n’étaient jamais consommées, mais parfois glissées dans de petits sachets porte-bonheur.
Vertus du gui
Utilisé avec prudence, le gui avait la réputation de :
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réguler la tension et apaiser le cœur,
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calmer les angoisses,
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favoriser le sommeil lorsqu’on en glissait quelques brins sous l’oreiller.
Mais son principal rôle restait symbolique : attirer la chance et renouveler l’énergie du foyer.
Porte-bonheur et traditions modernes
Aujourd’hui encore, dans de nombreux villages du Pays basque, il n’est pas rare de voir une branche de houx accrochée à la porte ou un petit bouquet de gui suspendu au-dessus de la table au moment des fêtes.
Ces gestes hérités du passé conservent leur force symbolique :
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Le houx est associé à la stabilité, à la protection et à la force intérieure.
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Le gui attire la bonne fortune, l’harmonie et les réussites futures.
Le rituel du baiser sous le gui, bien que d’origine anglaise, a trouvé sa place dans les coutumes locales à partir du XIXe siècle, renforçant encore la dimension amoureuse et festive du gui.
Le houx et le gui ne sont pas seulement des décorations hivernales. Ils composent un patrimoine immatériel riche, où se mêlent croyances préchrétiennes, pratiques paysannes et traditions familiales. Ils rappellent la manière dont les Basques ont toujours cherché à harmoniser leur vie avec les forces naturelles et invisibles qui les entouraient.
À travers ces plantes simples mais chargées de sens, c’est tout un monde de légendes, de rituels et de poésie rurale qui continue de vibrer dans les maisons de la côte et des montagnes.
Bibliographie succincte
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Barandiaran, José Miguel de – Mitología vasca. Txertoa, Saint-Sébastien.
Ouvrage de référence sur les croyances, rites et symboles traditionnels basques. -
Barandiaran, José Miguel de – Diccionario ilustrado de mitología vasca.
Synthèse accessible des êtres mythologiques, plantes symboliques et traditions rurales. -
Etcheverry, Jean – Croyances et traditions populaires du Pays basque.
Étude des pratiques protectrices, des rituels domestiques et de la médecine populaire. -
Sébillot, Paul – Le Folklore de France – La flore populaire.
Pour les correspondances entre croyances basques et traditions européennes autour du houx et du gui. -
Roux, Jean-Paul – La forêt et l’arbre dans les croyances indo-européennes.
Mise en perspective symbolique du houx et du gui dans les traditions anciennes. -
Collectif – Ethnographie du Pays basque. Musée Basque et de l’Histoire de Bayonne.
Sources locales sur les usages ruraux et le patrimoine immatériel.
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