Au début des années 1920, dans les montagnes douces du Pays basque, la frontière entre la France et l’Espagne n’était guère qu’une ligne symbolique serpentant entre collines boisées, ruisseaux limpides et villages ancestraux. En Navarre à Dantxarinea, modeste quartier du village d'Urdazubi, les sentiers poussiéreux menaient vers Ainhoa, paisible village français aux maisons blanches et rouges, alignées comme des gardiennes silencieuses d’un monde figé entre deux nations.
Ce passage de la frontière, bien que surveillé par quelques douaniers français ou carabiniers espagnols, n’avait rien d’imposant. Un simple chemin de terre, parfois boueux, traversait le petit ruisseau qui marquait la séparation des États. Les habitants de la région, qu’ils soient d’un côté ou de l’autre, parlaient la même langue le basque et partageaient les mêmes traditions, les mêmes fêtes, et souvent les mêmes familles.
Mais l’après-guerre avait introduit de nouvelles tensions. En France, on surveillait de plus près les mouvements de marchandises, car la contrebande de tabac, d’alcool ou même de tissus connaissait un essor. Les jeunes hommes du pays basque, agiles et rusés, connaissaient chaque sentier, chaque bosquet, et passaient les produits de nuit, à dos d’homme ou de mule. La Guardia Civil et les douaniers français jouaient au chat et à la souris avec ces contrebandiers, appelés "matarifes" ou "mules humaines", mais souvent fermaient les yeux, connaissant les difficultés économiques de la population.
Le passage à pied entre Dantxarinea et Dantxaria quartier d'Ainhoa, bien que simple en apparence, était donc un lieu de vie, de commerce, de ruse et d’échange. C’était un point de contact entre deux pays, mais avant tout une passerelle entre deux versants d’une même culture, celle du peuple basque, résistant et uni au-delà des frontières politiques.
La douane entre Dantxarinea (Navarre) et Dantxaria (Labourd) au début des années 1920
Ajouter un commentaire
Commentaires
Le petit ruisseau qui marque la frontière entre Espagne et France (qu'enjambe le pont de la photo) s'appelle le Rio Lapitxuri. Il va donner son nom à la Venta-Hotel-Restaurant Lapitxuri dans les années 60/70 et au premier petit dancing qui deviendra rapidement grand et célèbre. C'est lui qu'on chante dans tous les stades de rugby depuis plus de 50 ans : "mes parents m'ont donné la permission de minuit pour aller me saouler la gueule à Lapitxuri... le rendez-vous de tous les basques réunis".
Juste en face de Lapitxuri, il y avait "La Pulperia", petite venta tenue par ma famille pendant des lustres. C'est mon oncle (un fils de cette famille) qui ouvrira Lapitxuri.
L'énorme bâtiment du fond sur la photo, c'était le bâtiments des douanes où logeaient les douaniers et leurs familles.
Ce petit coin a bien changé...